TERRE ENFUMÉE
Regula Brotbek, autodidacte, a créé son proces de manufacture de pièces unique à sa façon. D’abord, pendant le processus de séchage de l’argile, elle polit chaque pièce plusieurs fois avec une petite cuillère. Les pièces tournées ou montées au colombin sont lissées ensuite griffées selon les motif choisi. Après le séchage il y a deux cuissons, la deuxième sur une température élevée de 1300 degrees. Ensuite, elle applique au pinceau une couche de porcelaine le decor prévu et la-dessus l’email qui protégera la pièce de la fumée. Ensuite ils sont enfournées dans un four à bois où les pièces subissent en enfumage de 40 heures. Après la refroidissement l’email et sous-couche se désolidarise de la pièce. Apparaît alors le décor dévoilé par l’intervention de la fumée.
Ce procédé avec trois cuissons est assez récent, car avant, il n’y avait que deux cuissons. On ne voit pas vraiment une différence à l œil nu, mais on sent que la terre est plus dur, les molécules plus fermés et la pièce plus costaud.
« Depuis que je travaille la terre, je tiens à accompagner activement une pièce du début jusqu’à la fin de sa création, et donc durant sa cuisson. Après de premiers essais avec des cuissons au bois j’ai compris que la technique du Raku était celle qui me convenait le mieux parce qu’elle me permet d’avoir un mélange extraordinaire de contrôle et d’improvisation continue.
Le Raku a été mis au point par des potiers japonais : utilisé pour faire les bols et les théières de la cérémonie du thé, ils admiraient cette technique pour sa surface irrégulière et surtout pour l’unicité de chaque pièce. La technique raku consiste, tout d’abord, à biscuiter (cuire normalement sans émail) les pièces. Puis on les émaille et on les met dans le four Raku ; là, on attend que l’émail soit en fusion pour les en retirer à environ 1000°C.
Pour ce faire, on utilise de longues pinces ou des gants quand les pièces sont trop grandes. Ensuite, on recouvre les pièces de sciures, d’herbes… pour donner différents aspects à l’émail et pour noircir les pièces. Les craquelures caractéristiques du Raku sont dues au vent. Enfin, on plonge les pièces dans l’eau pour les refroidir.
On voit donc que le Raku est l’union des quatre éléments : la terre, le feu, l’air et l’eau. Toutefois, j’ai vite ressenti la palette des émaux et de la gamme de couleurs assez limitée dont on dispose avec les cuissons à basses températures. Je me suis donc intéressée aux couleurs, à la richesse et la profondeur de la poterie du grès : de cette façon, j’ai commencé à cuire à des températures de plus en plus élevées (jusqu’à 1200°C).
J’ai trouvé une terre hautement réfractaire qui supporte des chocs thermiques même à ces températures, et j’ai développé des émaux qui réagissent très « nerveusement » aux conditions climatiques et qui provoquent souvent des combinaisons de couleurs complémentaires. J’aime les nuances des couleurs de la terre et j’essaie de faire vieillir une pièce et de lui donner un aspect „archéologique », de façon à ce qu’on croie qu’elle découle d’une autre époque. L’argile est, mis à part la pierre, la matière la plus ancienne du monde et les moments où apparaissent aux surfaces de mes pièces un aspect de ces temps inimaginables pendant lesquelles cette matière s’est créée, sont pour moi les plus heureux. Un émail n’ayant jamais le même aspect, l’unicité des pièces, le risque de cassure pendant le refroidissement… voilà, les spécificités du Raku, qui sont aussi considérés comme des défauts dans la poterie traditionnelle !
Bref, le Raku est pour moi une notion créative où les défauts, les chocs et les risques sont recherchés, pour exprimer l’unicité et l’imprévisibilité de la vie et du monde. »